L'île Maurice est une destination qui a gagné en popularité en 2018. Paradis tropical, nature verdoyante et bonne nourriture. Est-ce réellement ce que vous y trouverez?
L’ile Maurice et moi avons une histoire particulière. Mon père est né à Curepipe et mes parents se sont mariés à l’ile Maurice. Mon père y vit toujours avec mes frères. C’est donc avec une curiosité exacerbée que nous nous sommes rendus cet Avril à Maurice, Denis et moi, pour la première fois. Je m’attendais à un paradis tropical comme en Polynésie française ou j’ai grandi, combiné a une ile chatoyante de couleurs comme Madagascar ou même le Sri Lanka et de saveurs multiculturelles du fait de son histoire. En réalité, les choses étaient relativement différentes.
Au niveau culturel, nous avons trouvé que seule la cuisine reflétait vraiment le côté multiculturel de l’Ile. Une cuisine riche aux influences européennes, chinoises, indiennes, sud-africaine et de Madagascar. Mais pour le reste, nous avons surtout vu une ile hyper occidentalisée, relativement chère et remplie de gros centres commerciaux. Pas vraiment impressionnés par les aspects culturels et historiques surtout du côté Ouest de l’ile vers Port Louis et Grand Baie. Piura trouver un peu plus d’authenticité, il faut se rendre plutôt dans l’Est, là où vous verrez encore les maisons sur pilotis et les vieux ports, symboles de l’époque coloniale. Mon grand-père me parlait d’un temps ou des courses de frégates ne partait pas loin du Vieux Grand Port. Je ne sais pas si aujourd’hui c’est encore le cas.
Une chose est sure, je n’ai pas été dépaysée culturellement par l’ile Maurice ou si peu. Mais qu’en est-il du dépaysement environnemental ? Eh bien, l’ile produit énormément de canne à sucre, sa principale source de revenue. Alors 90% des forêts endémiques de l’ile a été réduit à néant pour planter de la canne. Production évidemment non écologique et vous pourrez observer des locaux asperger de produits chimiques les cannes dans les champs. Denis et moi avons recherché des champs bio qui éventuellement produiraient un rhum bio : sans succès. Donc pas d’agriculture biologique, peu ou pas de produits locaux bio en supermarché (certes on trouve les marques européennes de produits bio et même des boissons végétales et produits sans gluten, mais rien de local) et une pollution plastique assez importante (bien que les sacs plastiques aient été interdits en supermarché).

Parc des Gorges de la Rivière Noire de l’île Maurice, dernière forêt endémique
L’ile Maurice est bien en retard en ce qui concerne le développement durable. Et le tourisme responsable lui aussi est à la traine. Quasiment pas d’agences touristiques ne proposent des formules écotouristiques ou écoresponsables, peu d’ONG sur place pour la protection des espèces endémiques et des zones protégées aux dépens de la corruption.
Non définitivement, l’Ile Maurice n’est pas du tout une destination « verte » ou écoresponsable.
Voici entre autres quelques-unes des choses qui nous ont choqués :
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Partie de chasse dans le domaine de l’Etoile (ou du Chasseur)
Oui, il est toujours possible de chasser le cerf notamment introduit par les colons anglais pour leurs parties de chasse, qui restent toujours de rigueur aujourd’hui. Je ne suis pas contre le principe de chasser, mais franchement, quel est le plaisir de tuer quand on en a plus besoin ?
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Opérations « catch and kill » des chiens errants

Une chienne et son chiot, méfiante et inquiete
Les opérations « Catch & Kill » organisées par le gouvernement mauricien sont en fait des ramassages massifs de chiens errants dans toute l’île à une frequence bi-annuelle environ, pour les envoyer aux chenils, ou ils seront tués sauvagement a couts de bâtons, de pierre, de fusils, enfin tout ce qui peut servir– l’eutanhasie ca coûte cher. Ces opérations sont discrètes et le gouvernement jure que ce ne sont que des opérations de ramassage sans souffrance, mais il en est tout autre en coulisse. La condition des chiens errants à Maurice est un vrai problème, que le gouvernement mauricien n’a jamais su gérer correctement et humainement.

Une mere , nous observant avec tristesse et crainte
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Paradis fiscal qui fait pression sur les zones naturelles protégées
1,300 millions d’habitants sur une ile aussi grande que la Corse, c’est beaucoup, surtout si l’on considère que la majorité de la population est rurale, et agricole, ou travaille dans le tourisme. Ces 10 dernières années, pour attirer les investissements étrangers, l’ile Maurice s’est mise à proposer d’offrir la nationalité mauricienne pour les investissements immobiliers supérieurs à 500.000 euros. Alors vous imaginez bien, maintenant des immeubles de luxe, maisons secondaires et resorts poussent partout, même dans des zones supposées protégées. Un projet soit disant éco-responsable, Beau Vallon, notamment est décrié par les locaux car il sera construit dans une zone marécageuse protégée, tres importante pour le lagon et les oiseaux, alors que le ministre de l’environnement fait mine de ne rien entendre et laisse faire.
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Conduite dangereuse et nombre élevés de morts sur la route
L’ile Maurice est un pays avec un grand nombre de morts sur la route en proportion de sa population. Pour vous dire Maurice a un taux de mortalité routière évalué 12‰ (5‰ en France), alors faites attention ! Quand vous voyez dans un rondpoint un conducteur faire marche arrière car il s’est trompe de sortie, ça vous donne la chair de poule. Un mauricien lui-même avec qui j’ai pu discuter a nommé le permis mauricien une permis « endémique ». Ben oui, tout le monde fait un peu ce qu’il veut sur les routes. Donc pour les conducteurs avisés ou non, nous recommandons la plus grande prudence surtout si vous n’êtes pas habitués à la conduite à gauche et a l’absence de lumière le long des routes ou encore aux piétons qui ne semblent apparemment pas se soucier des statistiques !
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Fonds marin sabimés même dans des zones protégées de l’ile Maurice

Coucher de soleil sur la Baie Bleue de l’île Maurice
Il existe des zones des zones marines « protégées » à Maurice. J’utilise les guillemets car à part 2 ou 3 panneaux, nous n’avons rien vu indiquant les règles de durabilité, comme par exemple à Blue Bay, réserve marine importante de l’ile. Pourtant de nombreux bateaux de pêche y siègent et des pécheurs sont souvent présents aux heures nocturnes.
De plus, pour permettre à l’A380 d’Emirates d’atterrir – donc grâce à nous touristes- l’aéroport a dû étendre les pistes d’aéroport, ce qui s’est fait au niveau du lagon. Certes cette partie du lagon qui a servi à rallonger la piste, n’était pas protégée, mais de ce rallongement a découlé une variation des courants marins et de ce fait un fort impact sur la Blue Bay, elle protegée. En discutant avec les locaux, j’ai réalisé à quel point le développement durable à Maurice était inexistant. Une destination tout sauf verte.
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Pollution plastique : bien que présente partout dans le monde, la pollution plastique à Maurice est bien réelle
Qui ne sait pas à quel point nos océans sont pollués par le plastique et à quel point les plages deviennent des dépotoirs d’immondices plastiques ? Et bien si vous pensiez y échapper à Maurice, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Personne ne nettoie les plages à part dans les zones hyper touristiques comme à Grand Baie. La seule chose nettoyée sur les plages sont les chiens errants. Enfin, trêve de sarcasmes, mais sérieusement M. le ministre de l’environnement, si vous pensez que les touristes ne vont pas le remarquer, vous vous trompez ! Même les locaux ne se baignent pas à certains endroits tellement l’eau est sale. Entre les pesticides se déversant directement dans la mer et le plastique, on est loin de l’ile aux plages paradisiaques.

Homme marchant dans les déchets
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La plupart des espèces endémiques a disparu

Le Bulbul ou Condé originaire d’Asie
Vous pensiez voir de la vie sauvage à Maurice ? Et bien à part les Boule-boules (petits oiseaux importes de Madagascar considérés comme des voleurs et une plaie pour la plupart des locaux), des hirondelles et des moustiques, la vie sauvage n’est pas très présente. Dans les fonds marins, quelques poissons, et des coraux en mauvais état. J’ai été déçue, après le Sri Lanka, je m’attendais à une faune riche et il ne reste qu’un pâle reflet de ce que la vie sauvage avait dû être autrefois.
Dernière note, le parc Vanille. Je vous le déconseille simplement car c’est le reflet même d’un spécisme flagrant. En effet, d’un côté on protège les magnifique tortoises seychelloises et de l’autre on fait une ferme de crocodiles pour en faire des sacs et de la viande. Un message totalement incohérent à mon avis. Surtout que vous pouvez aussi voir des tortoises au parc des 7 couleurs de Chamarel. Sinon, pour voir des espèces endémiques réintroduites par une association (unique ou presque) locale, visitez l’ile aux aigrettes ! Attention il vous faut passer impérativement par l’association pour visiter l’ile.

Bébé crocodile destiné a la ferme du parc Vanille
8. Homophobie sous-jacente
Avec le nombre de touristes sur l’ile, et la diversité culturelle, on pourrait croire que les Mauriciens sont ouverts d’esprit mais il y a ces dernieres années, une montée de l’homophobie qui a conduit les autorités locales a annulé la gay pride locale aussi appelée « Marche des fiertés ». Des menaces et injures qui ont forcé les politiques a prendre des mesures drastiques sans pour autant chercher a punir les coupables.
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Microclimat et changement climatique
Je ne sais pas si c’était à cause du changement climatique mais quand nous y étions en Avril, nous avons eu beaucoup de vent et de la pluie la plupart du temps. Mon père m’a dit que de Janvier à Avril il n’avait pas arrêté de verser de la pluie. Le climat de l’île est étrange, je dois dire. A l’Est, le soleil peut être aussi fort que la pluie peut l’être du côté Ouest au même moment, même s’ils ne sont distants que de 70 km. Nous avons entendu dire que d’un côté de l’île, les températures peuvent atteindre + 45C (pas loin de Grand Baie notamment) tandis qu’à Curepipe, elles ne seraint pas plus élevées que + 25C. Une énorme différence entre les villes. J’avais l’habitude du temps tropical mais là, c’est assez extrême. Et en août,les températures peuvent descendre jusqu’a 9C dans certaines parties du pays! Certaines maisons à Curepipe ont une cheminée encastrée. Pas tant pour le froid que pour l’humidité d’ailleurs!
En conclusion si vous devez choisir une destination, ne choisissez pas l’ile Maurice. Chère, peu dépaysante et surtout absolument pas orientée sur le développement durable. Optez plutôt pour le Sri Lanka ou même les Seychelles.
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